"MONNAIES REGIONALES, De nouvelles voies vers une prospérité durable"
Par Bernard Lietaer & Margrit Kennedy
Editions Charles Léopold Mayer, 2008
PARTIE 2 : PRÉSENTATION DU LIVRE
Dans le premier chapitre, les auteurs évoquent le phénomène de la mondialisation. Le milliardaire George Soros (ayant fait fortune dans la spéculation monétaire…) nous la présente ainsi: la mondialisation crée de la richesse, mais elle est incapable de satisfaire le bien commun (le maintien de la paix, la réduction de la pauvreté, la protection de l’environnement, l’amélioration des conditions de travail ou le respect des droits de l’homme). Sans vouloir complètement changer le système comme beaucoup le prétendent (malheureusement souvent sans proposer des alternatives pratiques) il est important de se demander si la manière dont le système fonctionne actuellement est la seule possible. C’est là que les auteurs proposent le modèle économique des régions pour assainir la situation de l’Europe. L’aspect de la faisabilité est souvent abordé dans le chapitre, en faisant référence à des événements du passé européen, comme mondial. A la différence de la monnaie centrale, la MC est fondée sur des principes radicalement différents: pas d’intérêt, une organisation locale et démocratique, une valorisation du capital social – donc elle corrige les inconvénients crées par les monnaies centrales, tout en gardant leurs avantages: création des marchés globaux, stimulation de la concurrence et l’accumulation du capital, ce qui a permit une création de richesse sans précédent.
Le 2ième chapitre débute en déstabilisant notre système de croyances sur l’argent. Il présente des monnaies alternatives, telles que les «monnaies sociales» (payer des services sociaux tels que l’aide aux personnes âgées) en fournissant des preuves statistiques sur leurs effets positifs dans les relations humaines et le bien être. On peut découvrir l’exemple d’une personne (psychothérapeute allemande) ayant vécu sans argent plusieurs années qui a pu constaté un changement significatif dans ses relations humaines et ses propres valeurs. Il est vrai que dans notre société, si on prend le temps de le faire, nous découvrirons à quel point notre société est obsédée, implicitement ou explicitement, par l’argent. L'exemple de cette personne offre une belle contrebalance devant l’hystérie de l’argent dans laquelle nous somme pris, oubliant les choses qui sont vraiment importantes dans la vie. Cette femme témoigne des changements significatifs dans sa vie en se sentant «riche» intérieurement et heureuse. A l’échelle régionale, des communautés entières avaient l’habitude de vivre très bien, ce qui démontre le caractère d’autosuffisance d’une vie communautaire avec des échanges régionaux. La mondialisation a bouleversé ces équilibres. On voit l’exemple du Ghana dans lequel l’introduction d’un monopole monétaire centralisé est contre-productif pour l’économie locale. Par contre, des exemples positifs sont donnés pour montrer la cohabitation d’une monnaie centrale avec une MC, ce qui a catapulté l’économie locale. On voit ça à Bali, qui est une exception dans le monde par sa capacité à résister et préserver sa culture face au tourisme de masse. Les auteurs présentent des arguments convaincants que leur secret pourrait bien être dû à leur système de monnaie duale. Autre exemple marquant, mis à part la Papouasie-Nouvelle-Guinée, est l’exemple de Curitiba au Brésil, dans lequel une monnaie locale depuis trente ans a contribué à catapulter une métropole brésilienne de plusieurs millions d’habitants parmi les villes modernes du monde, et ceci sans courir à l’endettement ou à l’aide financière des gouvernements centraux, comme c'est souvent le cas ailleurs (bien encouragé par les banques…).
Les exemples ci-dessus, du succès des MCs, pourraient laisser penser quelles ne fonctionnent que dans les pays en voie de développement; mais pas du tout. Le livre nous révèle le succès de ce système complémentaires dans les pays riches tel le Japon où ce système est très développé. Dans le troisième chapitre, nous allons explorer l’histoire des MCs en Europe, qui ceux-ci y ont long temps joué un rôle capital. Par contre, on peut voir comment l’histoire se répète: déjà à l’époque des rois, nous trouvons la même tendance actuelle – celle de centraliser le système monétaire. Souvent dans l’histoire, la monnaie régionale n’a pas été abolie par raison d’inefficacité (prétexte classique pour le maintien d’un monopole), mais plutôt pour mieux contrôler la population: effectivement, l’insertion d’un système central accroît la dépendance des régions vis-à-vis du pouvoir central, et diminue leur liberté; aujourd’hui la réalité semble être similaire: l’homogénéisation monétaire est devenue planétaire et est vendue comme l’équivalent de la modernisation et sa nécessité comme seul moyen vers une efficacité économique.
Le 3ième chapitre décrit les étapes au 20ème siècle ayant abouti à la situation actuelle, avec l’introduction du système des monnaies flottantes aux années 70s, avec comme conséquence un fonctionnement mondial, depuis lors, sur un standard dollar; suivit par l’abus du privilège du dollar, et donc l’endettement sans précédent en croissance exponentielle, et à la crise actuelle. Cette tendance se caractérise par une réduction constante du nombre de preneurs de décisions et de leur éloignement de la vie quotidienne du citoyen; comme est dit dans le livre: «L’avenir monétaire d’un agriculteur limousin ne se décide aujourd’hui ni dans son département, ni à Paris, ni même à la Banque centrale européenne à Francfort, mais à Pékin où l’on choisira jusqu’à quel point la Chine voudra bien continuer à accumuler sans fin des dollars dont la valeur se dégrade d’année en année.» Et pourtant, l’histoire montre bien que des monnaies régionales peuvent très bien circuler avec des monnaies centrales, et qu’un tel système dual semble réduire la possibilité d’avoir une crise financière, et éviter l’inflation (l’inflation est l’une des caractéristiques endémiques de la monnaie centrale). L’orthodoxie monétaire que nous est inculquée stipule qu’une même monnaie devrait gérer un rachat multimilliardaire ou un simple achat de quelques euros dans un village – ceci pour l’efficacité de notre système monétaire mondial. L’argument principal de cet ouvrage est que cela n’est pas le cas. L’histoire, ainsi que l’heure actuelle, nous démontre bien la nécessité d’un système dual, prenant en compte aussi bien la dimension locale et non pas uniquement la centrale: Ne serait-il pas aussi pertinent qu’aujourd’hui, dans une période de crise, de considérer cette proposition?
Chapitre 4: En fait nous utilisons souvent des MCs sans le savoir, comme est le cas pour le système des points miles proposés par les compagnies aériennes. Aujourd’hui dans le monde, plus de 14 billions de points miles circulent! et beaucoup de ces points sont aussi utilisables pour des achats autres que pour des billets d’avion, et même on peut obtenir ces points en effectuant des achats avec la Visa de la Citibank – donc un système pas du tout marginal. Le chapitre montre aussi l’utilité des MC pour maximiser les ventes commerciales, pour mobiliser des ressources qui seraient autrement inutilisées (ex: siège vide dans l’avion ou au restaurant) – un catalyseur plus efficace que les soldes/réductions de prix. C'est le principe de complémentarité: deux phénomènes qui ne sont pas lié dans un lien de cause à effet, mais opèrent de façon parallèle pour aboutir à une fin. Il faut dire que le principe de complémentarité existe depuis long temps dans beaucoup de disciplines telles (physique, biologie, psychologie, philosophie). Le chapitre présente aussi d’autres arguments pour la MC, et donne des exemples variés des systèmes de MC actuels dans le monde. Par exemple, elle pourrait réduire les transports commerciaux en général donc influer sur le problème de la pollution environnementale. Autre exemple est que l’argent n’est actuellement pas réinvesti dans les régions d'où il provient (matières premières, produits manufacturés ou agricoles,...); cela crée un déséquilibre dans lequel certaines «îles économiques» (métropoles) sont débordées de capital, tandis que les sources des ressources deviennent très appauvries et polluées (campagnes, pays du tiers monde). L’introduction de la MC peut réguler ce déséquilibré.
Dans le chapitre 5, les auteurs propose un panorama de ce qui est réalisable pour les personnes désirant créer un système monétaire régional avec les différentes démarches possibles. Ils donnent des exemples des MC existants en Allemagne, pour voir comment cela a commencé et fonctionne actuellement; l'exemple de la banque coopérative qui facture peu d’intérêt, avec le JAK suédoise comme modèle. Ces exemples sont donnés juste pour montrer que plusieurs monnaies régionales peuvent remplir les fonctions principales d’un système monétaire classique, mais cela ne veut en aucun cas sous-entendre que ce sont les seules façons possibles.
Le chapitre 6 décrit les 3 stratégies possibles pour le lancement d’une monnaie régionale (décrites par les auteurs comme : « par la base », « par le sommet », ou « mixte »). En Allemagne la stratégie était plutôt « de base », en France « de sommet », puis le chapitre décrit l’expérience différentes de ces deux façons dans les deux pays, tout en donnant des conseils pragmatiques pour un lancement futur, en s’enrichissant et apprenant des expériences des autres telles décrites ici.
Le chapitre 7 aborde les relations ou conflits potentiels entre les MC et d’autres systèmes économiques tels que la banque centrale qui doit considérer que la MC ne soit pas un problème, mais une aide en rendant l’économie plus stable et durable. Par exemple, la stabilité et prospérité du système économique suisse pourrait résulter de leur système développé de MC; cela a été démontré par le chercheur Prof James Stodder (New York): le WIR a induit un effet anticyclique: pendant les périodes de forte croissance l’usage du WIR s'est réduit, tandis que pendant des périodes instables ou de récession, il a spontanément augmenté. L’étude montre des conclusions similaires aux USA. Les auteurs proposent aussi des idées pour mieux collaborer avec les autorités fiscales qui pourraient se méfier des MC.
Ensuite, le chapitre 8 décrit le cas particulier du Japon, qui est peut être le pays le plus avancé en terme de MC. Le pays a vécu depuis 1990 la crise qui nous touche actuellement donc on pourrait bien tirer plusieurs leçons de leur expérience, telles que les erreurs à ne pas reproduire, et les démarches à tenter. Le Japon est devenu un laboratoire où l’on expérimente avec des différentes formes d’innovations monétaires en vue de traiter les problèmes sociaux et économiques du pays. L'Europe et le reste du monde pourraient bien s’inspirer de cette démarche japonaise. Les efforts dans l’introduction de la MC est à rapprocher des autres découvertes scientifiques qui semblaient impossibles à mettre en place; par l’exemple du début de l’aviation, la grande majorité des scientifiques affirmaient qu’il été impossible pour un objet plus lourd que l’air, de voler. Bien que les frères Wright l’aient démontré en 1903, il a fallu encore attendre des années pour les convaincre. De la même manière, la majorité des experts économiques rejette l’idée des MCs, et cela malgré les nombreuses preuves de son utilité et nécessité face à la situation actuelle.
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